Lucien Bégule Peintre-Verrier par Thierry Wagner Conférence Samedi 11 octobre 2025

Notre conférencier, Thierry Wagner, est l’arrière-petit-fils et le président de l’Association pour la Conservation des Vitraux de Lucien Bégule, peintre sur verre qui avait ses ateliers à Lyon, chemin de Choulans de 1880 à 1912.

Lucien Bégule naît le 10 mai 1848 dans une famille bourgeoise au passé mouvementé. Son grand-Père, Jean-Marie Joseph Bégule (1867-1850) est propriétaire du château de la Ferrière à Charbonnière jusqu’en 1811. En 1794 (AN II), tout comme Laurent Mourguet, il est accusé d’être rebelle à la convention, jeté en prison et menacé de la guillotine, avant qu’un jugement de la Commission révolutionnaire ne les reconnaisse tous deux non coupables et les remette en liberté. Un petit clin d’œil lors de cette conférence aux amis de Lyon et de Guignol, 231 ans plus tard.

Son père, Georges Bégule (1805-1882), tenta sans succès de faire fortune dans la culture du café à Cuba, avant de devenir commissaire-priseur à Lyon vers 1835. Il achète une partie du château de la Tour à Saint-Genis-Laval en 1842, le revend en 1864 et achète la même année la maison des Tourelles à Choulans.

 

Lucien Bégule passe son enfance au château de la Tour. Il reçoit une éducation rigoureuse, notamment au collège Jésuite Notre Dame de Mongré à Villefranche-sur-Saône où il s’initie à la photographie, un art qu’il pratiquera toute sa vie. Il devient un photographe averti, nouant même des relations personnelles avec les Frères Lumière.

Il se forme en travaillant dans l’atelier du peintre Jean-Baptiste Chatigny, rue de Jarente, et sur son conseil présente et réussit le concours de la Société des Amis des Arts. Le hasard allait faire le reste : Il rencontre le beau-frère de Chatigny, Pierre Miciol, ancien Prix de Rome, qui exploitait un atelier de peinture sur verre à proximité.

Lucien Bégule écrit dans ses mémoires : « séduit par la magie si attirante de la couleur, aussi bien que par l’intérêt que présentait cet art du verre si nouveau pour moi, je ne tardais pas à devenir son associé. Parmi les meilleurs travaux sortis de notre atelier je citerai surtout les verrières historiques de Notre-Dame de l’osier (Isère) et le baptême du Christ placé dans l’une des chapelles côté nord, de N.D-du Marais à Villefranche (Rhône). Ce vitrail, dont les figures furent dessinées par Miciol, fut présenté à la première exposition de Lyon et récompensé d’une médaille d’argent. Pendant deux ans et demi je m’initiai ainsi à la pratique de cet art qui devait remplir ma vie. ».

Formé au dessin décoratif chez Jacob Razuret, il collabore à la décoration d’une demi-douzaine d’établissements religieux dont la Primatiale Saint-Jean : « Cet antique édifice, dont le voisinage immédiat me facilitait la visite, finit par exercer sur mon esprit une telle attirance et une si grande admiration que je résolus de l’étudier à fond et d’en publier les beautés. » (L. Bégule, Monographie de la Cathédrale de Lyon. 1880).

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    En 1880 il décide de se consacrer entièrement au vitrail en fondant ses propres ateliers sur les hauteurs de Saint-Just, dans la propriété familiale, au 86 montée de Choulans.

L’atelier est divisé en plusieurs espaces spécialisés afin de pourvoir aussi parfaitement que possible à l’ensemble des techniques nécessaires : composition, mise en plomb, peinture sur verre, photographie, fours, laminoir, ferronnerie. Les dessins préparatoires sont réalisés soit par Lucien Bégule lui-même, soit par des peintres extérieurs, tels qu’Eugène Grasset, Delalande, Lebayle ou Tony Tollet.

Cette organisation remarquable permit à Lucien Bégule de produire en 25 ans quelques 450 vitraux dont cinquante civils et d’employer jusqu’à 20 personnes.

Aidé par ses relations d’origine familiale dans les milieux ecclésiastiques, il arrive sur le marché au moment de la consécration du vitrail religieux, vitraux à médaillon dits « archéologiques », dans le style du Moyen-Âge, vitraux à figures dans l’esprit de la Renaissance, ou vitraux à scènes historiques complexes.

Concernant le vitrage profane, ses relations avec des architectes tels Perrache, Bossan, Monvenoux qui construisit ses ateliers, Charles Roux-Meulien à Charolles, Ferret à Neuville-les-Dames, lui ouvrent des portes, tout comme l’architecte genevois Élisée Gosse pour la décoration d’une villa au bord du lac Léman.

Des industriels parmi lesquels les Gillet, Villy, Verne dans le Beaujolais, ou encore des grandes familles lyonnaises lui permettront de s’affranchir du vitrail exclusivement religieux pour travailler sur des verrières purement décoratives. Lucien Bégule a su allier le savoir-faire tradition-nel du vitrail à sa sensibilité artistique résolument moderne.

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Villa « art nouveau » - Ensemble de vitraux de L. Bégule sur le thème des vendanges et du Beaujolais.

Baie Bacchus - détail

A ses débuts il utilise la technique de la grille de plomb, assemblant des morceaux de verre coloré par des baguettes de plomb. Puis au contact de Pierre Miciol, il se lance dans la peinture sur verre, appliquant des oxydes métalliques et des émaux sur le verre, qu’il fixe ensuite par cuisson au four.

Ainsi la « grisaille » est obtenue par application d’un mélange d’oxyde de plomb, de verre pilé et de liant pour créer des contours, des détails, des nuances et des ombres. Elle est cuite au four pour être fixée. Lucien Bégule utilise également des émaux colorés à base d’oxydes métalliques pour ajouter des couleurs vives ou des détails après la première cuisson. Ces émaux sont appliqués au pinceau et nécessitent une seconde cuisson. En peignant par exemple avec un composé à base d’argent, il parvient à donner au verre une teinte jaune doré remarquable.

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Cripte de Fourvière - Agneau Pascal - 1885

Lucien Bégule est une figure majeure de l’art verrier lyonnais, dont la vie et l’œuvre illustrent la renaissance de cet art à la fin du XIXe siècle. Formé dans un contexte familial et artistique riche, il a su allier tradition et innovation pour créer des vitraux d’une grande qualité esthétique et technique. Son atelier, organisé de manière rationnelle, a produit des centaines d’œuvres, tant religieuses que profanes, qui marquent encore aujourd’hui le paysage artistique de Lyon et au-delà. Ses collaborations avec des artistes renommés, ses distinctions aux Expositions univer-selles, et ses publications archéologiques témoignent de son engagement profond pour l’art et l’histoire. Son héritage perdure à travers la conservation de ses œuvres et la reconnaissance de son rôle dans l’histoire de l’art verrier.

Merci à notre conférencier qui a su retracer l’œuvre de son arrière-grand-père et expliquer les diverses innovations qu’il a développées dans ses réalisations.

Nous vous renvoyons à la lecture de son ouvrage écrit avec Martine Villelongue : Lucien Bégule, maître verrier lyonnais. www.vitraux-begule.com et à son roman La Dot, retraçant l’histoire de sa famille au XIXe siècle, illustré des aquarelles tirées du carnet de voyage de Georges Bégule. www.la-dot-thierry-wagner.fr.

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Roland Racine

L. Bégule. Vitrail St Georges 1889 - Musée des Beaux Arts de Lyon