Dans la parodie « Cyrano de Tramassac »,
contrairement au Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand qui n’ose pas déclarer son amour à Roxane en raison de son nez difforme, Guignol qui l’a au contraire bien chenu, n’hésite pas à déclarer sa flamme à Roxelane, par la plume de T. Tardy du Guignol de l’Argue et l’illustration de Jean Coulon :
« Je t’aime Roxelane autant qu’on peut aimer ! Mon amour est si fort qu’il pourrait m’assommer ! Tout me parle de toi, le pinson, la fauvette,
Et même le grelot de chaque bicyclette ;
Puis quand je vois la lune arrondir ses grands yeux,
Je me dis que les tiens sont plus grands et bien mieux. J’admire tellement tes quenottes d’ivoire,
Que je voudrais pouvoir me transformer en poire. Au moins j’aurais l’espoir d’être mordu par toi, Tes lèvres en ce cas seraient plus près de moi.
Je voudrais, mon bozon, pendant que tu m’écoutes Que tu laisses tomber ton âme goutte à goutte, C’est alors, qu’à genoux, je boirais saintement
Cette source divine et sans tarissement.
Et voilà, mon trognon, voilà comment je t’aime !
Si ton cœur est un champ, c’est le mien que j’y sème.
Dans la parodie de Faust,
sous la plume de Pierre Rousset du Guignol du Gymnase, Guignol va beaucoup plus loin, jusqu’à envisager de s’en remettre au Diable, pour l’amour de Marguerite :
« Ah ! Je veux Marguerite, adorable fenon ! J’avalerais pour elle un boulet de canon ! Quand je vois sa binette au milieu d’un nuage, Je donnerais vois-tu, mon pesant de fromage Pour avoir le bonheur de tourner son rouet,
Ou d’être sa quenouille, ou bien son tabouret. »
Devant l’Église des Cordeliers :
« Bonjour mon petit chou, salut mon petit ange ; Pourrait-on vous parler sans que ça vous dérange, Et vous offrir le bras tout le long du chemin, Quand même l’on est pas du sexe féminin ?
Colombe vaporeuse, aimable créature,
Je veux que l’arc-en-ciel me serve de ceinture Si j’ai vu dans ma vie un plus joli trognon
Parmi les plus beaux choux que l’on voit à Lyon ! »
Puis devant la chapelle de l’observance :
« Mon cœur a deviné que c’est ici qu’elle est, J’ai peur qu’en se gonflant il crève mon gilet. O toi ! ma belle enfant ! Marguerite si blanche !
Je ne suis qu’un melon, je t’en offre une tranche,
Même si tu voulais m’accepter tout entier,
Je serais le plus fier des melons du quartier.
C’est au milieu des fleurs qu’on a mis ta cambuse, Cà chatouille le nez comme l’eau d’arquebuse
On devine aisément que dans ce coin fleuri Jamais les polissons n’ont fait charivari.
C’est ici qu’elle est née, au milieu des tulipes ; Près d’elle aucun mortel n’a culotté des pipes ; Il faut à cette femme un ange pour amant,
Et rien que du tabac qu’on fume au firmament. »
Dans une cour, rue Gadagne :
« Oh ! mais si le bon Dieu reprenait tous les anges Je parie avec toi deux douzaines d’orange
Un fromage à la crème avec un pot de miel
Que depuis bien longtemps tu serais dans le ciel Oh ! que la vie est belle en cet instant suprême, On nage dans du lait, on baigne dans la crème, Le cœur en débordant d’un bonheur sans égal, On se trouve si bien qu’on s’en trouverait mal ! Si je te disais tout ce que mon cœur ressent,
Tu voudrais que je reste en ce lieu ravissant ;
Chacun n’est-il pas né, selon la loi divine,
Pour aimer son prochain et surtout sa prochaine. Moi ! partir ! te quitter, Marguerite céleste !
Alors, je vais mourir en emportant ma veste
T’es cent fois plus cruelle au moins qu’un régisseur ! Ah ! fiche-moi plutôt tes ciseaux dans le cœur ! »
Outré, s’adressant au Diable devant la prison de Saint-Jean :
« Marguerite enchaînée ! Elle est donc en prison ? Mais c’est pas Dieu possible ! et pour quelle raison Peut-on ficher à l’ombre une femme angélique, Quand on laisse au grand jour se promener la clique ! Viens, je veux le revoir ce cher petit belin !
Entends-tu, je le veux ! montre-moi le chemin. Allons, marche devant, marche vite ou je cogne ! Marche donc nom de nom ou je t’aplatis la trogne ! »
Enfin, devant le Diable qui s’ensauve dare-dare :
« Oui, c’est moi, c’est bien moi, ma douce Marguerite, Ne crains rien, ma tendresse est comme l’eau bénite, Les démons en ont peur, et rien qu’en t’embrassant J’en ferais décamper au moins un demi cent.
Ce que tu dis m’enchante, et pourtant ça m’achève, A force d’être heureux, mon pauvre cœur en crève ; Être aimé tant que çà, c’est à n’y pas tenir,
Je vais me trouver mal ou bien m’évanouir ! »